samedi 2 octobre 2010

Féminisme et contraception

Chère lectrice, cher lecteur,

Avant toute chose, sache que les propos qui suivent n'engagent que moi (et permets-moi de te tutoyer). C'est une précision importante puisque nous sommes plusieurs Suffragettes des temps modernes à alimenter ce blog et qu'en aucun cas je ne voudrais faire dire à mes petites camarades des choses qu'elles n'imagineraient même pas en rêve.
En outre, je tiens à préciser que je suis de très mauvaise foi et je j'aime avoir raison, même quand j'ai tort.

Ceci étant dit, entrons sans tarder dans le vif du sujet : comme il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, quel ne fut pas mon bonheur lorsque, il y a de cela quelques années, je revis mon opinion sur le féminisme. Jusque là, ses représentantes m'apparaissaient comme
1 – des bourges entre deux âges qui s'encanaillent en taguant des affiches publicitaires dans le métro parisien,
2 – des pauvres filles qui feraient bien de prendre soin de leur corps et de se raser les poils des jambes (et du visage).
Le féminisme médiatisé (je pense notamment à celui des Chiennes de Garde) me semblait être une vaste blague par rapport aux luttes pourtant récentes de ces femmes grâce auxquelles j'ai le droit de voter, d'étudier, de travailler, d'ouvrir un compte en banque sans l'autorisation d'un homme (père ou mari), de disposer librement de mon argent, de mon temps et de mon corps. Bref : si j'éprouve une immense gratitude envers ces femmes-là, il n'en va pas de même vis-à-vis de ces féministes autoproclamées qui se demandent le plus sérieusement du monde s'il convient de dire auteure au lieu d'auteur et d'éradiquer la formule Mademoiselle au profit de Madame (pour des raisons évidentes, vous comprendrez que je suis contre !). J'avais certes de la sympathie pour des mouvements comme Ni putes Ni soumises (avant que Fadela Amara ne s'acoquine avec Nicolas Sarkozy), mais ces mouvements-là refusaient, eux, l'étiquette féministe.

C'est alors que je lus Porno Manifesto d'Ovidie : une révélation !
Sans être d'accord avec tout, je trouvais néanmoins couillu qu'une travailleuse du sexe puisse se revendiquer d'un féminisme encore à imaginer. De plus, étant de la même génération, il m'était bien plus facile de m'identifier à elle qu'à Isabelle Alonso.
Bien sûr, certaines féministes pures et dures trouveront ses propos trop radicaux. Il n'empèêhe qu'elle aura permis à beaucoup de jeunes femmes de découvrir le féminisme sous un angle neuf et original, un féminisme qui ne crache ni sur les hommes ni sur le sexe. Et si je n'avais pas lu Porno Manifesto, je n'aurais sans doute jamais lu Elisabeth Badinter. Je n'aurais pas assisté à une conférence de Benoîte Groult. Je n'aurais pas écrit ni chanté des chansons au contenu ouvertement sexuel. Je n'aurai probablement pas arrêté de prendre la pilule.

Car, selon Ovidie, et j'avoue être assez d'accord avec elle, laisser à la seule femme le choix de la contraception revient à déresponsabiliser l'homme : "Ne t'inquiètes pas, je m'occupe de tout !". Et il se trouve que la sexualité est une chose à vivre à deux.
De plus, la lecture de Porno Manifesto m'avait fait comprendre qu'il est possible d'avoir une activité hétérosexuelle régulière et sans frustration sans le fameux comprimé, car s'il y a bien une personne qui sait de quoi elle parle, ce doit être Ovidie !
En outre, la liste des effets secondaires est franchement alarmante : dérèglement du système hormonal, modification de la libido, dépression, maux de tête, vertiges, nervosité, surdité (!), augmentation de la tension artérielle, nausées, vomissements, insomnies, acné, prise de poids. Et tout ceci se retrouve dans la posologie d'une pilule faiblement dosée.

J'en viens d'ailleurs à me poser des questions sur notre société qui encourage la prise d'un tel médicament, car même la documentation sur le sujet passe généralement sous silence les effets secondaires et contre-indications. Je suis également choquée de constater le manque de documentation concernant la sexualité sans pilule.
Cela dit, il y a de l'espoir : en décembre 2004, L'Agence nationale d'accréditation en santé (Anaes) a réuni en France un groupe de travail sur la contraception, notant l'intérêt de méthodes jusqu'alors sous-utilisées, entre autres le dispositif intra-utérin (DIU) ou stérilet. L'année suivante, le compte-rendu du 4e congrès de la société francophone de contraception visait à lever les doutes et préjugés dont souffre le DIU dans un désir d'offrir aux femmes une plus grande liberté de choix. Même s'il s'agit là de réhabiliter une méthode de contraception uniquement féminine, des efforts sont néanmoins faits pour permettre des alternatives à la pilule, ouvrant ainsi un débat qui, je l'espère, permettra de responsabiliser davantage les hommes.

Il y a bien sûr le préservatif, mais il semble que celui-ci soit largement délaissé (au profit de la pilule ?) depuis quelques années. C'est, en tout cas, ce que confirment les derniers chiffres concernant les maladies sexuellement transmissibles en Belgique. Fin 2007, le corps médical constatait avec effarement une augmentation sans précédent des dites maladies, comme le SIDA, l'herpès génital, la chlamydia, de même que la syphilis, qui tendait pourtant à disparaître. À ce jour, la capote anglaise reste l'unique protection efficace contre les infections sexuellement transmissibles, dépassant de loin son rôle de seul contraceptif. C'est d'ailleurs le problème : combien sont-ils/elles, lors d'un premier rapport, à ne pas mentionner le préservatif, sous prétexte qu'il/elle pourrait croire que... ? Remettons donc les choses à leur place : le préservatif (masculin ou féminin) est le seul moyen de contraception fiable "unisexe", à savoir que n'importe qui peut se le procurer à moindre frais, sans ordonnance et presque n'importe où.
Et en dehors du préservatif, il y a peu d'alternatives pour celles et ceux qui ont décidé de vivre leur sexualité sans contraception féminine.

Car il reste du chemin à faire, notamment en termes d'information : les sexualités "alternatives" ont mauvaise presse, d'autant plus que, comme le souligne Ovidie dans Porno Manifesto, « ce petit comprimé a aidé au maintien du modèle dominant d'une sexualité "papa/maman" classique, hétérosexuelle, basée sur la pénétration pénis-vagin, et parfaitement admise par notre morale »*. Il est donc nécessaire de faire évoluer les mentalités en ce qui concerne les pratiques manuelles, buccales et anales dans le cadre d'une relation hétérosexuelle. Et à celles et ceux que j'entends déjà crier au scandale, j'ajouterai ceci : la contraception est une question de choix ! Un choix à faire entre adultes consentants. Libre à chacun/e de décider ce qui lui convient. En ce qui me concerne, j'ai pris la décision de faire autrement.

Cela ne s'inscrivait pas a priori dans une démarche féministe, mais dans une démarche de respect de moi, et je ne regrette pas mon choix. De toute façon, le féminisme n'existe pas. C'est au pluriel qu'il faut le vivre et en parler. Et ça regarde autant les hommes que les femmes.

À bon entendeur...

Mademoiselle Catherine

* Ovidie, Porno Manifesto, p. 36 (Lectures Amoureuses, La Musardine, octobre 2004)

(la version originale de cet article est en ligne ici)

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